« To you from me » : une femme coréenne
2010-09-22
Profitons de la rétrospective exceptionnelle consacrée par le cinéma Seoul Art Cinema à Jang Seon-woo, ce réalisateur sud-coréen très particulier, pour vous parler d'une autre de ses œuvres, intitulée "To you from me". Un film entouré d'un parfum de scandale, qui a beaucoup fait parler de lui lors de sa sortie en 1994.
Un écrivain accusé de plagiat vit reclus chez lui. Homme névrosé, perclus de gêne et d'ambition mal renfermée, il reçoit un jour la visite inattendue d'une mystérieuse jeune femme. Sexuellement très provocante, elle est surnommée "Baji ibeun yeoja" : "la femme qui porte un pantalon". Des pantalons qu'elle ne parvient pas à garder très longtemps... Elle séduit immédiatement l'écrivain, et s'installe chez lui. En dehors de ces deux personnages principaux, s'ajoute un troisième : un ami de l'écrivain, un petit employé de banque à cravate et lunettes. Ce dernier, quelque peu immature, est un fan absolu du film "Bonnie & Clyde", vit toujours chez sa mère, et souffre d'impuissance. Mais il possède une force intérieure et un talent caché qui vont lui permettre de surmonter une situation de départ pourtant pas gagnée d'avance...
"J'ai utilisé la pornographie dans ce film comme un mode d'expression et comme une façon d'exprimer une critique, contre la moralité, contre le sens des valeurs, et contre le bon sens d'une société moderne qui se délite", a déclaré le réalisateur Jang Sun-woo à propos de son film. Et en effet, Jang n'hésite pas à aligner les scènes les plus surprenantes ou dérangeantes. Mais il fait aussi preuve d'un grand talent pour le burlesque, notamment à travers le personnage de l'employé de banque. Il est l’occasion de quelques scènes très drôles, comme cette mémorable tentative pour atteindre les paradis artificiels à l'aide de bananes séchées...
Mais la tonalité générale reste tragique : alors que le film se recentre sur celle qui est finalement son sujet principal, la jeune femme, des thèmes très douloureux sont abordés. Le viol, la violence faite aux femmes, la sexualité comme moyen de soumission plutôt que comme plaisir... Il souligne les dysfonctionnements graves d'une société qui ne cesse de se chercher, et qui tolère les plus violents de ses agresseurs. Et il ne faut pas compter sur les intellectuels pour apporter une solution : l'écrivain est finalement le pire d'entre eux. Veule, minable, sans estomac et sans courage, ce dernier court mollement vers sa déchéance finale, et malgré ses prétentions morales et artistiques, ne vaut pas mieux que les autres.
Sorti en 1994,"To you from me" fait son âge : musique, couleurs, jeu des acteurs, il permet de mesurer le chemin parcouru en 15 ans par les techniques du cinéma sud-coréen. Mais cet aspect rétro donne un attrait supplémentaire au film, qui dans sa narration, ses sujets abordés, et surtout sa liberté créatrice, est bien plus moderne que la majorité des films sortis récemment. Il multiplie les bonnes idées visuelles, et surtout offre une histoire dramatique, troublante, imprévisible et accrocheuse : en bref, une histoire à l'image de son personnage principal, cette jeune fille dont on ne connaît que le surnom, "la femme au pantalon"...






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