jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen : The Story of Mr. Sorry

Cette chronique cinéma ne vous a présenté, jusqu'ici, que très peu de films d'animation. Il était temps de réparer cette erreur, et c'est désormais chose faite aujourd'hui, avec « The Story of Mr. Sorry », un film réalisé par cinq étudiants de l'Académie coréenne des arts cinématographiques, et présenté au festival d'Annecy de l'année dernière. Sorti en 2009, ce long-métrage est l'adaptation d'un roman de Lee Jeok.

M. Chae est un petit jeune homme, chétif et renfermé. A peine sorti de l'adolescence, il est déjà voûté, déjà résigné. M. Chae pratique un métier plutôt inhabituel : il est cureur d'oreilles professionnel. Muni de sa sacoche de coton-tiges, il effectue tous les jours la tournée des pavillons auriculaires de ses concitoyens : un chef d'entreprise pressé, un gangster menaçant, un vieux râleur, une gamine capricieuse... Quels que soit ses interlocuteurs, M. Chae ne cesse de demander pardon, tout le temps, comme s'il s'excusait d'exister. A la fin de ses journées, passées à remuer le cérumen et à se faire humilier par son chef, il rentre chez lui, et se réfugie dans le soju et les souvenirs. Ses seules discussions, il les tient avec son araignée, son unique amie.

Jusqu'au jour où son patron, un vieux grigou sans scrupules, le manipule et lui fait avaler des pilules qui le font rétrécir... au point d'être pas plus grand qu'une puce. Il devient ainsi l'ouvrier idéal, suffisamment petit pour s'introduire dans l'oreille de ses clients. Séquestré par son chef qui lui promet monts et merveilles, devenu la star de son entreprise, M. Chae accepte, résigné, son nouveau statut d'esclave auriculaire. Les fonds d'oreille, c'est désormais au pic et à l'aspirateur qu'il les récure.

Sa vie reste toujours aussi morne... jusqu'au jour où il découvre qu'il peut pénétrer, à travers leur oreille, l'esprit de ses clients. Des clients dont il découvre et visite l'intérieur, souvent dévasté ou en ruine. Leurs obsessions, leurs complexes d'Œdipe, leurs violences, leur passé de victime ou de bourreau... tout un univers de cauchemar, infiniment plus sale que l'intérieur des oreilles, et où il s'efforce pourtant, à sa façon, de faire le ménage. Jusqu'au jour où M. Chae découvre, dans l'esprit d'un politicien véreux et plein d'avenir, la trace de sa sœur disparue depuis longtemps...

S'il appartient au genre fantastique, « The Story of Mr. Sorry » est surtout inclassable. Conte poétique et cruel, parfois teinté d'humour, il porte un regard acéré et désabusé sur une société qui réduit ses citoyens à leur rôle d'agent économique et de téléspectateur abruti. S'il est possible de trouver refuge dans des espaces de chaleur humaine ou de poésie, ce répit n'est toujours que de courte durée. Les cinq réalisateurs ont fait preuve d'un très grand talent, en créant un univers visuel très personnel et surprenant, dont l'esthétique est souvent celle du cauchemar. On aime les images de ce Séoul biscornu, aux lignes tordues et colorées. Cette créativité visuelle est associée à une histoire étonnante, qui surprend le spectateur à tout moment.

Ce dessin animé surprenant, court et vif, est ainsi une très belle surprise, qui montre que le cinéma coréen peut toujours produire, en dehors des grosses machines commerciales à l'américaine, des œuvres d'auteur, personnelles et de qualité.

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