jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen :Park Chanwook2

Après nous être intéressés à «JSA» la semaine dernière, nous allons nous pencher aujourd'hui sur les trois films suivants réalisés par Park Chan-wook, le réalisateur sanglant et survolté du cinéma coréen. Sa trilogie sur le thème de la vengeance est son œuvre centrale, qui lui a permis d’asseoir sa réputation de réalisateur virtuose et sa renommée internationale.

Le premier film de la trilogie est «Sympathy for Mr. Vengeance», sorti en 2002, sombre histoire de vengeances qui se chevauchent, toutes rivalisant de cruauté et réalisées par des personages agissant sous la pression d’une société impitoyable qui broye vies et espoirs. Il s’agit donc d’une critique sociale, dont l’efficacité se perd cependant rapidement sous les déluges d’hémoglobine, la cruauté gratuite, et les facilités narratives. Car Park Chan-wook, tout à sa volonté évidente de traumatiser son spectateur, cède à une certaine facilité et ne recule devant rien : utilisation sans scrupules d’enfants, d’handicapés, de malades. Tourné vers son objectif de retourner les tripes de son audience, le film devient sordide et glauque. La cruauté abjecte qui s’y déverse n’a d’autre fin que son propre déchaînement. Plutôt happening de la violence qu’œuvre cinématographique, ce film est tout de même l’occasion pour Park Chan-wook de mettre au point des techniques qui deviendront sa marque de fabrique et qui traverseront toute la trilogie : gros plans déformants sur les visages, voix dépersonnifiées et sans intonation, plans statiques sur des scènes immobilisées avant l’explosion imminente.

C’est avec le deuxième opus de la trilogie, «Old Boy», sorti en 2003 et qu’on ne présente plus, que Park Chan-wook atteint le sommet de son art. La violence y est cette fois suffisament stylisée pour être supportable, la cruauté, certes exacerbée, y perd son caractère gratuit. Le scénario, adapté d’un manga japonais, est prenant et réussi. Un homme, Oh Dae-su, interprété par Choi Min-sik, est maintenu en captivité pendant 15 ans dans une chambre d’hôtel transformée en prison, pour une raison qu’il ignore. A sa sortie, il est fou de rage, et prêt à se coltiner la moitié de la Corée avec un marteau pour se venger de ces années perdues. Mais l’histoire est presque secondaire, tant l’impact visuel laissé par le film est impressionnant et prend à la gorge. Le film est un feu d’artifice sombre et sanglant, soutenu par une superbe bande son, et des acteurs transfigurés. Comme toujours, Park Chan-wook, ne laisse aucune chance à ses personnages; ceux-ci ne sont que de futiles marionnettes s’agitant vainement, vouées au malheur et à la destruction. «Old Boy» recoit le Grand Prix du festival de Cannes, et permet à Park d’atteindre le statut de réalisateur le plus virtuose du cinéma coréen.

Enfin, la boucle est bouclée avec «Sympathy for Lady Vengeance», le dernier épisode de la série, sorti en 2005. Le film raconte l’histoire de la gentille Geum-ja, qui vient de passer 13 ans en prison pour un meurtre qu’elle n’a pas commis, et qui, vous vous en doutez, veut se venger. Sa vengeance sera soigneusement préparée, minutieusement planifiée, et théâtralement mise en scène. Le film fait preuve d’encore plus de stylisation, et penche même vers le maniérisme. Les images sont superbes, presque trop travaillées, avec de nombreuses références à l’imagerie religieuse chrétienne. La violence s’y fait de plus en plus esthétique. En filigrane, la critique de la société coréenne est toujours présente.

Avec ces trois films très différents, la trilogie de Park Chan-wook est donc très inégale ; elle montre un glissement vers une esthétisation de plus en plus grande de la violence, neutralisant son caractère insoutenable. Des éléments communs se renvoient d'un film à un autre : on y croise les mêmes acteurs qui traversent la trilogie dans des rôles très différents ; on écoute des répliques, ou des bouts de dialogues, qui se répondent d’un film à l’autre, comme par exemple cette discussion sur la différence entre un bon et un mauvais kidnapping… En toile de fond permanente, la critique sociale, dure et sans concession.

Chaque film de la trilogie est indépendant des autres, et chacun – en particulier «Old Boy», incomparablement le plus réussi – vous laissera, gravées à jamais dans la mémoire, des scènes indélébiles et des images marquantes et glaçantes. Car la vengeance selon Park Chan-wook est, décidément, un plat qui se mange très froid.

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