jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen : Crush and Blush

Après nous êtres penchés la semaine dernière sur le travail du réalisateur Park Chan-wook, nous allons de nouveau nous intéresser aujourd’hui à son travail, mais cette fois en tant que producteur. Déjà producteur de son propre film « Je suis un Cyborg mais c’est pas grave », Park a produit en 2008 «Crush and Blush », dont le titre coréen est « Miss Hongdangmoo », ce qui signifie « Mademoiselle carotte ». Pour ce film, il a décidé de faire confiance à une jeune réalisatrice, Lee Kyoung-mi, dont c’est le premier long-métrage.

« Crush and Blush » est une comédie ; le film raconte l’histoire de Mademoiselle Yang Mi-sook, professeur de russe dans un lycée de filles. Mi-sook est une véritable furie, interprétée par une Gong Hyo-jin métamorphosée et méconnaissable. Elle souffre de plusieurs problèmes plutôt sérieux : tout d’abord, le russe est une langue jugée ringarde par le proviseur, et on l’a collé de force au poste de prof d’anglais, langue qu’elle ne maîtrise pas mieux que ses élèves, et qu’elle apprend le soir en cachette dans des instituts de langue. Elle est folle amoureuse de son collègue, le professeur Seo, un homme marié, et dont la fille compte parmi ses élèves. Elle a réussi à se persuader que Seo est secrètement éperdu d’amour pour elle, et elle le poursuit et le persécute depuis bientôt 8 longues années… époque où il était son professeur. Enfin, elle est affligée d’un problème de peau très gênant, et se met à rougir comme une pivoine à la moindre contrariété… de là vient son surnom hongdangmoo, carotte. Les cheveux en pagaille et la face en feu, elle traverse tout le film sous forme de boule de nerfs, hystérique et hurlante.

Car Seo a une liaison avec la collocataire de Mi-sook, Yu-ri, elle aussi prof de russe au lycée. Mi-sook, prête à tout pour faire échouer cette relation, va trouver une alliée inattendue en la personne de Seo-woo, la propre fille de Seo, élève rejetée par ses camarades de classe, et désirant empêcher le divorce de ses parents. Yang et Seo-woo sont toutes les deux des « wangtas », ou têtes de turcs ; appellation difficilement traduisible d’un phénomène tragique très coréen, un wangta désigne un élève rejeté et persécuté par l’ensemble de sa classe, et qui n’a d’autre alternative que d’encaisser avec résignation coups et humiliations. Chaque classe de Corée a son wangta, lequel souffrira son martyr en silence jusqu’à ce que la classe se choisisse un autre souffre-douleur.

Si « Crush and Blush » est une comédie, c’est donc une comédie trash et cruelle, un petit ovni surréaliste dans l’univers propet des comédies à l’eau de rose convenues du cinéma coréen. Les personnages sont des anti-héros : Mi-sook est manipulatrice et aggressive, Seo est lâche et sans caractère, Yu-ri est décerébrée et hypocrite. Le film ne souffre d’aucun tabou : Seo-woo va jusqu’à voler le mot de passe de la messagerie instantanée de son père, se faire passer pour lui auprès de sa maîtresse... et avoir avec elle de longues et torrides conversations cochonnes en ligne ! Des crises de larmes extravagantes, des amitiés qui se font et se défont à propos de bottes, des confessions ridicules : le film parodie avec élégance et efficacité les films du genre.

Le pouvoir comique de « Crush and Blush » réside dans l’absurdité des situations, les regards des personnages, les silences gênés, les mensonges, les hurlements hystériques. Le film est décalé, tendrement cruel, et le rythme ne retombe jamais. L’actrice Gong Hyo-jin réalise là une performance remarquable, et tant pour la jeune réalisatrice Lee Kyung-mi que pour le jeune producteur Park Chan-wook, ce coup d’essai est transformé en coup de maître.

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