jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen : Park Chanwook, realisateur

Nous sommes aujourd'hui en avril ; ce mois est souvent appelé par les Coréens ‘janinhan sawol’, c'est à dire ‘cruel avril’. Et pour célébrer dignement ce cruel mois d'avril, nous avons décidé de vous parler, pour les 5 prochaines chroniques à venir, du maître coréen de la cruauté, du virtuose de l'hémoglobine artificielle, du maestro de la sauvagerie gratuite : j'ai nommé bien entendu le réalisateur coréen Park Chan-wook, dont le prochain film sortira d'ailleurs… le 30 avril. Est-ce vraiment un hasard ?


Tout sur Park Chank-wook

Park Chan-wook est né le 23 août 1963 à Jechon dans la province du Chungcheong du Nord. Au contraire de ses films, sa biographie se révèle presque fade et décevante : son passé ne compte ni histoires de famille sanglantes, ni vengeances sauvages réglées à coup de couteaux rouillés : avant d'être le réalisateur polymorphe, talentueux et survolté qu'on connaît, il étudie sagement la philosophie à l'université Sogang, et à défaut de mettre son campus à feu et à sang, il se contente d'y créer un club étudiant de cinéma. Il écrit aussi des critiques. La vision du film «Sueurs Froides» d'Alfred Hitchcock représente un tournant dans sa vie, puisqu'il y rencontre sa future épouse… et qu'il décide de devenir réalisateur de cinéma.

Après quelques films passés inaperçus, c'est avec un film de commande, intitulé « JSA », qu'il accède à la gloire. Ce succès lui permet ensuite de réaliser un film plus personnel et effroyablement noir, « Sympathy for Mr. Vengeance». Ce film sera le premier d'une trilogie sur la vengeance, dont le deuxième opus, le brillant « Old Boy », lui permet d'atteindre la consécration comme réalisateur majeur de la nouvelle vague coréenne. Le film reçoit le Grand Prix du Festival de Cannes en 2004, et lui offre une reconnaissance internationale ; Quentin Tarentino même, autre maître de l'explosion sanglante sur les toiles, déclare être un grand fan. Son dernier film en date, « Je suis un cyborg mais c'est pas grave », est une comédie étonnante, résolument à part dans une œuvre marquée par la violence gratuite et froide et la destruction. En dehors de ses activités de réalisateur, Park Chan-wook devient aussi producteur.

JSA

Nous allons nous intéresser aujourd'hui à «JSA», un énorme succès populaire et critique, et qui à l'époque de sa sortie en 2000 a été le film le plus regardé du cinéma coréen avec plus de 5 millions d'entrées. Au cœur de la sunshine policy, ou politique de la main tendue, du président Kim Dae-jong, Park Chan Wook prend le contre-pied de la tendance manichéenne d'alors du cinéma coréen, – dont le plus bel exemple est «Shiri» - qui choisissait de représenter les nord-Coréens comme de froides et cruelles brutes surentraînées, mettant des œuvres des plans machiavéliques destinés à abattre la jeune démocratie sud-coréenne.

JSA signifie «Joint Security Area», et désigne le poste frontière qui sépare les deux Corées à Panmunjeom, et où soldats du Nord et du Sud se font face, à quelques mètres l'un de l'autre. Le film raconte l'improbable et extraordinaire amitié qui se développe entre un sergent du Nord, brillamment interprété par Song Kang-ho, et un soldat du Sud, joué par Lee Byung-hun. Fait nouveau, les nord-Coréens y sont représentés comme des êtres humains, chaleureux, capables d’apprécier un verre et une bonne blague. Mais comme toujours dans les films de Park Chan-wook, ces personnages seront broyés par des forces qui les dépassent, et malgré leur amitié, l'histoire finira dans les larmes et le sang.

A travers ce film parfaitement maîtrisé et réussi, Park Chan-wook fait déjà preuve de tout son talent et de sa capacité à surprendre. L'humour et une certaine tendresse y sont aussi présents, par petites touches délicates qui rendent le final encore plus poignant. Malgré sa fin tragique, «JSA» est un film optimiste et courageux, qui montre que nord et sud-Coréens ont encore beaucoup de choses à partager et à apprendre les uns des autres malgré les absurdités de la politique internationale.

Ce coup de maître donnera à Park Chan-wook l'indépendance financière et artistique dont il avait besoin pour mener à bien son projet sur la vengeance qui lui tenait tant à cœur… et dont nous parlerons plus en détails la semaine prochaine.

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