My Dear Enemy

« My Dear Enemy », un film de Lee Yun-ki, est sorti sur les écrans coréens en septembre 2008. Film résolument artistique, lent et exigeant, il va a l’encontre d'une tendance actuelle du cinéma coréen qui, au contraire, privilégie l’aspect commercial et le spectaculaire... et finalement se révèle comme l’un des tous meilleurs films coréens de l’année 2008.
Le film est porté par la superbe performance de ses deux acteurs principaux, Jeon Do-yeon, qui a recu le prix de la meilleure actrice à Cannes en 2007, et Ha Jeong-woo, que l’on a pu voir dans « The Chaser ». L’histoire est simple. Une jeune femme, Hee-su, retrouve son ancien petit ami, Byeong-woon, pour lui réclamer une somme d’argent que ce dernier lui doit. Ils ne se sont pas revus depuis leur rupture il y a un an, et elle est fâchée. Glaciale et belle, elle va suivre Byeong-woon toute une journée dans ses pérégrinations pour récolter l’argent emprunté.
Car Byeon-woon est un aimable looser, fauché comme les blés, et qui n’a pas un sou en poche ; il sera obligé de faire le tour complet de ses amis - surtout des femmes - pour emprunter, par petites sommes successives, suffisamment d’argent pour rembourser Hee-su. La véritable personnalité de Byeong-woon, sa générosité et son humanité, vont se révéler peu à peu sous son apparence de petit escroc immature ; Hee-su, malgré sa colère, finira par se souvenir pourquoi elle l’a aimé. Ainsi, la journée passée ensemble et pourtant entamée dans de très mauvaises conditions se révèlera bien, au final, une ‘meotjin haru’, c’est à dire, d’après le titre original coréen, une belle journée.
Attention, on ne parle pas ici de happy end. Le réalisateur Lee Yun-ki entreprend de nous raconter avec délicatesse et pudeur une histoire simple et sans artifice, que son talent et celui de ses acteurs suffisent à rendre captivante. Une histoire d’amour, triste et touchante, aujourd’hui finie.
La scène d’introduction est très réussie. La caméra suit un couple qui bavarde ; un groupe de travailleur passe, et la caméra abandonne le couple pour s’intéresser à eux ; puis Hee-su passe à son tour et la caméra décide de la suivre. Comme si le réalisateur semblait hésiter entre plusieurs histoires, plusieurs vies, à raconter, pour finalement choisir de parler de Hee-su et Byeon-woon.
Le reste du film est à l’image de son introduction : impeccablement réalisé, et bénéficiant d’une très belle photo. Le film est volontairement lent, presque nonchalant – mais jamais ennuyeux. La caméra prend son temps, s’attarde sur des visages, des expressions. La musique, souvent légère, est là pour nous rappeler que, malgré le poids de la tristesse et des blessures, rien n’a au fond beaucoup d’importance.
« My Dear Enemy » est aussi un film sur la Corée et les Coréens. Byeong-woon semble connaître la moitié des habitants de Séoul, et son cercle de relations – essentiellement des femmes - s’étend à toutes les couches de la société ; il entraîne ainsi le spectateur dans un voyage au cœur de la société coréenne, au travers de personnages tels qu’une chef d’entreprise, une mère seule, une prostituée de luxe, une femme au foyer échouée dans un mariage malheureux, et des bikers cools et marginaux.
Qui sont toutes ces femmes qui semblent aimer si profondément Byeong-woon ? Quelle est la nature exacte de leurs relations ? On ne le saura pas, et le film sait entretenir autour de Byeong-woon et de Hee-su une aura de mystère qui leur donne un charme et un attrait irrésistibles. L’actrice Jeon Do-yeon est plus belle que jamais ; son regard intense, sublime et implacable, fascine.
Enfin, « My Dear Enemy » est aussi un film sur Séoul : des appartements luxueux de Tower Palace au quartier populaire de Haebangcheon, le film entraîne le spectateur dans une formidable traversée du Séoul d’aujourd’hui, lucide et sans fioriture. Un regard sans concession mais plein d’amour sur une ville qui, visiblement, a inspiré Lee Yun-ki.
« My Dear Enemy » est un film riche, puissant, captivant, parfois drôle, magnifié par l’excellente performance de ses deux acteurs. En ces temps de disette, on aimerait voir le cinéma coréen faire preuve plus souvent d’autant de talent.





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