Les magiciens

En 2004, en ouverture du festival du film de Jeonju, est passé un moyen métrage du déjà célèbre réalisateur Song Il-gon nommé « Les magiciens », dans le cadre d’un programme de trois films soutenus par le festival.
Song a réalisé entre autres « Flower island », « Spider Forest », et encore « La plume dans le vent », beaucoup plus poétique et pas du tout dans le même registre que les précédents.
L’année suivante, en 2005 donc, il présente au même festival en avril un long-métrage du même nom, « Mabeobsadeul » donc, en coréen. Peu de gens le voient, se disant qu’il ne s’agit que d’une version longue, une sorte de ‘director’s cut’.
Le film réalise en Corée une sortie dite ‘technique’, c’est-à-dire, qu’il est techniquement sorti, mais on ne peut pas dire qu’il y ait eu beaucoup de publicité ou de projections d’ailleurs, et donc devient un échec commercial.
Evidemment, à l’étranger, malgré la vague coréenne, un film qui est un échec commercial intéresse peu, et seuls quelques festivals, dont les programmateurs errent régulièrement en Corée du Sud pour chercher les perles rares du cinéma national, le diffusent…
« Les magiciens » est déjà une prouesse technique. A l’instar de « L’arche » de Sokurov, il s’agit d’un film tourné en une seule prise : aucune coupure…
C’est donc également une performance d’acteurs : les 5 personnages principaux vivent leur aventure, et la transmettent avec brio. Le réalisateur arrive même à faire des flashback, des retours dans le temps, sans lacher sa caméra. C’est enfin ce qu’on pourrait appeler un poème d’amour, où en tous cas c’est comme cela que l’on peut le vivre.
L’histoire se passe au bord d’une route de province ; un moine bouddhiste se dirige vers une maisonnette, un petit bar isolé et quasiment désert. Il s’assoit, commande une bière, engage un dialogue maladroit avec le barman surpris, et lui demande ensuite s’il est toujours en possession d’une planche de surf qu’il lui aurait laissé, il y a quelques années…
Au-delà de la surprise, l’humour aussi est présent dans le film, mais ce n’est pas tout. L’esthétique y joue aussi un rôle essentiel, ce qui rapproche encore plus ce film du théatre.
Ce qui est remarquable enfin est la construction du film. Ceux qui aiment le cinéma coréen et connaissent le pays auront remarqué que d’une part il n’y a pas d’école de scénario, et d’autre part, ce n’est pas la qualité principale des auteurs coréens : la plupart fonctionnent plus au génie qu’au scénario, le réécrivant parfois, le modifiant souvent, et l’inventant régulièrement. Ce serait d’une certaine manière l’opposé du cinéma américain, qui fonctionne beaucoup avec des recettes scénaristiques (excellentes par ailleurs, cf. le succès de leurs séries), voire même avec des études de marché destinées à aider les producteurs à opter pour le meilleur scénario.
Nous ne connaissons pas votre opinion, mais on s’accorde souvent à dire que la magie du cinéma coréen tient en général plus à un coup de génie, visuel, entre autres, pour « Old Boy », à une idée de génie pour « The host », à une direction et un jeu d’actrice de génie pour les films de Lee chang-dong…
Dans « Les magiciens », le jeu d’acteur est excellent, mais raconter une histoire relativement complexe, puisqu’elle a eu lieu dans le passé, dans deux endroits filmés sans interruption relève d’un véritable tour de force.
Visiblement cela a en tous cas exténué notre courageux réalisateur, qui depuis ce film n’a rien tourné. Cette année, il a développé un projet qui devrait voir le jour l’année prochaine, et pour rester fidèle à sa tradition d’éclectisme, il devrait à nouveau changer radicalement de style…





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