Lady Vengeance

* Lady Vengeance
Après vous avoir parlé de « Old Boy » la semaine dernière, attardons-nous cette fois-ci sur le dernier film de la trilogie vengeresse de Park Chan-wook, sorti en France en 2005. Le film est sorti en France sous le titre « Lady Vengeance », alors qu’en coréen, son titre est « Chinjeolhan Geumjasshi », ce qui veut dire « gentille mademoiselle Geumja ». Mais comme nous allons le voir, le charmant sourire de cette Geumja-là cache de bien sombres desseins.
* Gentille Geumja
Le film débute avec la sortie de prison de Geumja, incarnée par Lee Young-ae. Elle est accueillie en fanfare par un prêtre ami qui lui offre un grand carré de tofu. En effet, le tofu blanc est symboliquement offert à ceux qui viennent de purger leur peine de prison, pour illustrer leur engagement à mener désormais une vie pure. Se pose donc la question de savoir pour quelle raison cette femme qui nous semble si avenante s’est retrouvée condamnée. La réponse ne vient pas tout de suite car Geumja ne s’attarde pas sur son passé. Elle a un objectif et le poursuit avec résolution. Une à une, elle retrouve ses anciennes compagnes de cellule qui semblent toutes lui devoir un service. C’est au travers de leurs souvenirs et de leurs témoignages parfois emperlés du passé que l’histoire de Geumja nous est peu à peu dévoilée. En prison déjà, elle avait pris sur elle de faire payer une autre détenue – crainte et haïe de toutes – pour ses manières grossières. Ce qui lui a valu ce surnom de « gentille Geumja ».
* En rouge et noir
Mais la gentille Geumja n’est plus. Dès sa sortie de prison, ses paupières se sont fardées de rouge, ses long cheveux raides ont pris les ondulations d’une chevelure de femme fatale, la robe claire d’été a fait place à un trench de cuir noir, le sourire s’est effacé tandis que le regard s’est empli d’une détermination sans faille. Il lui faut retrouver l’homme à la place duquel elle a été incarcérée, pour lui faire payer sa traitrise. Mais avant cela, une chose plus importe la presse…
Avant de confronter son ennemi, le professeur Baek, incarné par Choi Min-sik, il lui faut retrouver sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis 13 ans et qui, entretemps, a été adoptée par un couple australien. Curieuse vis-à-vis de cette mère qui lui manquait si cruellement, la jeune fille ne va bientôt plus quitter Geumja d’une semelle. Son innocence apporte un peu d’insouciance et de légèreté dans la vie de Geumja. Par dictionnaire interposé, des liens se tissent, les cœurs s’ouvrent et les mots tant attendus sont prononcés, enfin. Et peu importe la langue dans laquelle ils sont dits.
* Meurtre à huis clos
Contrairement au personnage de Oh Dae-su dans « Old Boy », qui s’abandonne tout entier à sa folie vengeresse et finit par subir tous les événements, Geumja elle les provoque, de façon méthodique, calculée, blasée presque. Rien n’est laissé au hasard. Dans sa quête de justice, Geumja se rend bientôt compte qu’elle n’est pas la plus qualifiée pour la rendre. En effet, suite à la découverte de l’existence d’autres enfants victimes du sadisme de M. Baek, les parents sont convoqués. Le dénouement approche, la délivrance pour ces hommes et ces femmes torturés par l’ignorance est à portée de main. Mais ce n’est pas tout de savoir. Il faut maintenant agir. Geumja préside à une drôle d’assemblée où la vengeance est débattue, votée, organisée… On tire au sort, on s’équipe, et à défaut de masques, nos bourreaux d’un soir revêtent des imperméables. L’humour est d’une noirceur effrayante. Rarement a-t-on vu un tel degré de tension entre rire et frayeur.
Est-ce grâce à cette organisation implacable que la vengeance fut libératrice ? Toujours est-il que c’est dans un paysage de neige que l’affaire prend fin. Et à défaut de tofu pour se libérer de ses pêchés, c’est un gâteau blanc qu’une Geumja enfin démaquillée va dévorer à pleines dents tandis que des flocons immaculés viennent recouvrir ses cheveux. Finalement, bien que justice fut rendue, le mal était déjà fait. Les fréquents flashbacks illustrent avec justesse que le passé reste inchangé, quoi que l’on fasse au présent. Les fautes commises ne sont pas rachetables, et la rédemption reste évasive. Est-il trop tard pour Geumja de connaître une vie de bonheur ? L’histoire ne le dit pas mais rien ne nous empêche d’imaginer un Happy End.





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