La Cité des Damnés

Voilà quelques semaines que nous sélectionnons méticuleusement pour vous, ami auditeur, des films indépendants à haute visée artistique, des œuvres d’auteurs talentueux qui cherchent à marquer leur public de leur empreinte indélébile, et à les faire ressortir moins bêtes des salles obscures.
Mais aujourd’hui, ce sera tout le contraire : nous avons décidé de bouleverser un peu nos habitudes, et nous allons vous présenter le bien-nommé « Yugamseureoun Dosi », traduisible en anglais par « City of Damnation » ou en francais par « La Cité des Damnés », film qui est au cinéma coréen ce que les fayots en conserves sont à la cuisine française : un produit industriel bien gras et populaire, sans surprise, et qui fait beaucoup rigoler quand ça pète.
Parce que le cinéma coréen, c’est aussi et souvent des comédies assez peu subtiles, qui se livrent à d’étonnantes surenchères dans la grimace et la blague scatologique. La vague coréenne, parfois, ami auditeur, elle sent la marée, et elle fait échouer sur nos paisibles rivages des films bêtes et méchants qui feraient passer Police Academy pour du Bergman, et lesquels - et c’est là tout le charme de ce surprenant pays - parviennent cependant à nous faire rire. « La Cité des Damnés », réalisé par Kim Dong-won, sorti en janvier 2009 et qui a attiré pas moins de un million et demi de spectateurs, appartient définitivement à cette catégorie-là.
« La Cité des Damnés » est une parodie du film hongkongais « Infernal Affairs » et de son remake américain « Les infiltrés ». Un puissant gang mafieux et la police s’affrontent ; afin de prendre l’avantage dans cette guerre sans pitié, Lee, un petit malfrat minable, est envoyé infiltrer les rangs de la police. Bien évidemment, cette dernière a eu la même idée, et Chang le brave policier affecté à la circulation reçoit pour mission de se fait accepter dans une sous-unité de la mafia.
La comparaison avec « Infernal Affairs » s’arrête là : le film est une comédie coréenne typique, avec son indispensable cortège de baffes sonores, de cris aigus, de tartes à la crème, de gags scatologiques, d’insultes stridentes, de grimaces, et de répliques débiles. Le film joue avec les codes de film de gangster, et tourne en dérision les rites initatiques et la mythologie de la mafia. C’est là l’occasion de gags vraiment drôles, comme par exemple des coups de pied dans les valseuses, ou encore des suppositoires que l’on mange par erreur, j’en ris encore.
Lee le truand, de son côté, découvre d’inattendus plaisirs à son emploi de policier, notamment en tombant amoureux de sa très pneumatique collègue, Mlle. Cha, qui lui donne le goût de la droiture et de la raideur policière. Après quelques péripéties hilarantes, comme des coups de pieds dans les roubignolles, par exemple, la voiture de son amante explose, et celle-ci meurt sur le coup. Ce n’est plus drôle du tout, et le spectateur est vraiment désorienté.
La minute suivante, un acteur à tête de singe se prend une pizza brûlante sur l’entrejambe en faisant des grimaces, le spectateur est rassuré, on peut rigoler de nouveau. L’histoire finira bien pour nos deux infiltrés : sans surprise, le gang sera demantelé, et Chang retournera à son bienheureux carrefour contrôler la circulation.
Ce ne sont certes pas la complexité du scénario de « La Cité des Damnés », ni la profondeur de caractère de ses personnages qui vous empêcheront de dormir la nuit. Ce long-métrage est dans la droite lignée d’oeuvres telles « Sex is Zero », film débilissime mais drôle, représentatifs d’un pan entier du cinéma coréen qui a su élever le coup de pied dans les bijoux de famille au rang d’art, et le porter sur le pinnacle de la comédie grivoise. « La Cité des Damnés » peut donc être vu, pour cette atmosphère bon enfant qui fait tout son charme, et ce goût de Vidéo Gag au pays du Matin clair qui saura fait rire toute la famille, surtout votre beau-frère.





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