jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen :Agent double

En juin 2000, le président sud-coréen Kim Dae-jung inaugurait sa politique de la main tendue à la Corée du Nord en se rendant à Pyongyang et en rencontrant son homologue nord-coréen Kim Jong-il. Exactement 9 ans plus tard, alors que les relations Nord-Sud sont au plus bas, nous avons décidé de vous présenter, tout au long du mois de juin, une série de films coréens qui traitent, justement, des relations entre les deux Corées.

Cette politique de la main tendue a eu une influence considérable sur le cinéma coréen, et la façon dont on y traite le problème du Nord. En effet, les films réalisés avant la politique d’ouverture présentent souvent les nord-Coréens comme des fanatiques surentraînés et proprement terrifiants ; un bon exemple de ce type de film est sans doute le blockbuster « Shiri », sorti en 1999.

Le film « JSA », sorti en 2000, a ainsi représenté une rupture majeure dans la représentation des nord-Coréens à l’écran, en choisissant de les montrer comme des êtres parfaitement humains. Dans la continuation de ce film, de nombreux autres vont suivre, offrant aux sud-Coréens une image beaucoup plus nuancée de leurs frères du nord.

C’est notamment le cas du film que nous allons vous présenter cette semaine. « I-jung Gan-cheop », ou « Agent double », est un film de Kim Hyun-jeong, sorti en 2002. Han Seok-kyu, que l’on a pu voir dans « Shiri », y incarne Lim Byong-ho, un fier officier nord-coréen, qui lors d’une spectaculaire évasion dans le Berlin de la guerre froide en 1980, décide de passer à l’ouest... c’est à dire, de rejoindre le Sud. Mais la Corée du Sud du début des années 80, régie d’une main de fer par le général Chun Doo-hwan, n’est pas exactement le pays de la liberté : Lim Byong-ho, dès son arrivée, est interrogé et torturé pendant des semaines dans les geôles de la toute-puissante agence de rensignements sud-coréenne, la KCIA. Il est noyé, frappé, electrocuté. On cherche à comprendre les véritables raisons de sa défection. “Liberté? Quelle liberté? Il n’y a pas de ça ici!”, lui lâche son bourreau. Puis Lim Byong-ho finira par les convaincre de ses bonnes intentions, et deviendra un agent de la KCIA à son tour, en charge de partager ses connaissances sur son ancien pays.

Mais Lim Byong-ho est en réalité un agent double, envoyé par le Nord au cœur de la KCIA pour en extraire le plus d’informations possibles. Son contact est la jeune agente Yoo Soo-mi, interprétée par Ko So-yeong. Bien sûr, les activités de Lim et Yoo finiront par être découvertes, et le couple ne trouvera son salut que dans la fuite, dans « un endroit sans nord ni sud »...

« Agent double » est un film d’espionnage classique et réussi : le film offre son lot de codes secrets et de rendez-vous sous des ponts brumeux, de mallettes d’informations qu’on s’échange à voix basse. Le spectateur se surprend à trembler avec Lim, de peur qu’il ne soit découvert. La tension monte très habilement jusqu’au dénouement final. Le film offre aussi une passionnante reconstitution historique, et rappelle que la Corée du Sud du début des années 80 était beaucoup plus proche de la Corée du Nord qu’elle ne l’est aujourd’hui: régime autoritaire, faible nombre de voiture dans les rues, omniprésence des uniformes, salut au drapeau en écoutant l’hymne national, couvre-feu le soir...

Han Seok-kyu est excellent dans ce rôle de double traître, et interprète avec talents toutes les ambiguités et les difficultés internes qui travaillent son personnage : en permanence obligé de prétendre et de donner le change aux deux côtés, il se retrouvera face à des situations impossibles à résoudre. Par exemple, il se verra obligé de torturer son supérieur nord-coréen pour sauvergarder sa couverture. Lim a une famille qui l’attend au Nord, comme ne manque pas de lui lancer un agent nord-coréen qui tient à lui rappeller pour quel camp il travaille. Il sera finalement lâché par le parti, qui le prend pour un traître.

Rejeté par le Nord, poursuivi par le Sud, Lim Byong-ho n’est au final qu’une marionnette, un pantin dans un jeu de dupes impitoyable, utilisé puis broyé par les deux côtés. Dans « Agent double », la violence d’un camp répond à celle de l’autre. Il n’y a pas de gentils, juste des victimes. «Agent double » est ainsi un excellent et méconnu film d’espionnage. En traitant de la tragédie que représente la division de la péninsule coréenne, il renvoie dos à dos les deux camps : on ne saura même pas si l’assassin final a été commandité par le Nord ou par le Sud : cela n’a, au fond, plus grande importance.

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