Hahaha

Hong Sang-soo est l'un des réalisateurs sud-coréens les plus connus et appréciés à l'étranger, notamment en France. Si ses films en Corée ne connaissent plus le succès de ses premières réalisations comme par exemple «Le pouvoir de la province de Gangwon » ou «La Vierge mise à nu par ses prétendants», Hong continue néanmoins de sortir ses œuvres avec une régularité de métronome. Et aujourd'hui nous allons vous présenter sa dernière comédie, intitulée « Hahaha », qui sera d'ailleurs présentée au festival de Cannes cette année.
De retour d'une promenade en montagne, deux amis se retrouvent autour d'une jarre de maggeolli, l'alcool de riz traditionnel. Le premier, Cho Moon-kyung, est réalisateur de cinéma. Son ami, Bang Jung-sik, est quant à lui critique de film. Tout en s'imbibant copieusement, et en ponctuant leurs monologues d'incessants « à ta santé ! », les deux hommes vont se raconter leurs histoires d'amour et leurs aventures, deux narrations qui en fait se déroulent dans la même petite ville, et au même moment.
Cho est professeur et réalisateur, et est, en quelque sorte, l'alter ego de Hong Sang-soo lui-même. Il est interprété par Kim Sang-kyung, un acteur fétiche de Hong, qui jouait déjà le rôle principal de son film « Turning gate ». Cho a décidé de s'exiler au Canada. Avant son départ, il vient dire au revoir à sa mère, qui possède un restaurant dans la ville portuaire et industrielle de Tongyeong, tout au sud de la péninsule, près de l'île de Geoje. Là, il rencontre par hasard Wang Seong-ok, une guide de musée complètement flippée, interprétée par l'immense actrice Moon So-ri, dont on avait déjà pu admirer le talent dans « Oasis » et « Une femme coréenne ».
Cho entreprend de séduire la belle trentenaire, sans savoir que celle-ci a déjà un amant, un jeune poète qui est le protégé de sa propre mère, et qui est aussi – comme la Corée est petite !- un ami proche de Bang, le critique de cinéma. Ce dernier s'est en effet aussi rendu à Tongyeong, où l'a rejoint sa maîtresse, une belle hôtesse de l'air folle amoureuse de lui...
Sur cette intrigue où diverses trajectoires, sinueuses et titubantes, s'enchevêtrent et se croisent en permanence, Hong s'amuse. Il a réussi à réunir un casting exceptionnel de grands acteurs, et pour les diriger, il a recours à sa bonne vieille méthode, qui a déjà fait maintes fois ses preuves : il les fait boire. Car l'alcool est, comme toujours dans les films de Hong, le lubrifiant indispensable à des relations sociales pétries de gêne, de non-dits, et de silences inconfortables. C'est aussi le moyen le plus sûr de toute avance sexuelle...
De film en film, Hong reste fidèle à lui même, et filme en long plans fixes et froids ces discussions qui peu à peu se dissolvent dans le soju, l'alcool bon marché coréen. Dans son petit monde angoissé, les hommes sont lâches et menteurs, et les femmes sont névrosées et suffisamment stupides pour accepter de continuer de porter les hommes sur leurs épaules – parfois même littéralement, comme le montre l'une des scènes les plus étonnantes du film. Tout un petit peuple égoïste et faible qui finira, de toute façon, au même motel.
Si le constat est désabusé, le film n'est pas sombre, loin de là. Il est même souvent drôle, voire burlesque, comme cette apparition inattendue d'un légendaire général coréen. Hong filme avec beaucoup de plaisir ce pittoresque port de province. Il en saisit avec talent le charme discret mais profond de ses petits marchés aux poissons, de ses restaurants bon marché et populaires, de son vieux motel gris avec vue sur le port, et surtout, comme toujours, de ses soirées trop arrosées qui n'en finissent pas.






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