jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen :une vie toute neuve

« Une vie toute neuve » est le premier long-métrage de la réalisatrice française Ounie Lecomte. Coproduction franco-sud-coréenne, ce film bouleversant est un récit autobiographique, celui de la réalisatrice. Elle raconte son enfance dans un orphelinat coréen, avant son adoption en France, à l'âge de neuf ans. Un témoignage inoubliable et marquant, traité avec un immense talent.

L'adoption est un sujet sensible en Corée du Sud. La sanglante guerre de Corée, qui s'achève en 1953, laisse nombre d'orphelins et d'enfants mixtes abandonnés, nés de mères coréennes et de soldats américains. Société traditionnelle stricte qui insiste sur l'importance des liens du sang et la prétendue pureté de la race coréenne, pays qui souffre d'une grande pauvreté avant son décollage économique des années 70 : ces raisons expliquent en partie pourquoi des enfants sud-coréens se feront adopter par des familles étrangères, à partir de la fin des années 50 et en nombres de plus en plus élevés.

Le ministère coréen de la Santé compte, pour la période 1953 - 2001, pas moins de 150 000 enfants adoptés à l'étranger. Des adoptions internationales qui continuent toujours, malgré la prospérité économique. Aujourd'hui, ces adoptés devenus adultes offrent des témoignages saisissants de leur histoire personnelle. Citons par exemple l'exceptionnelle bande dessinée «Couleur de peau : miel» du dessinateur Jung. Avec «Une vie toute neuve», Ounie Lecomte réalise elle aussi un travail remarquable de reconstitution autobiographique.

Le film se passe en 1975, dans une Corée du Sud très pauvre qui ne bénéficie pas encore des fruits de ses premiers succès économiques. Jin-hee, une petite fille 9 ans interprétée avec talent par la jeune actrice Kim Sae-ron, est abandonnée par son père (brève mais convaincante apparition du grand acteur Seol Kyung-gu) dans un orphelinat pour filles, tenu par des sœurs. Située dans la campagne, la bâtisse, délabrée et au sol en béton nu, est certes pauvre, mais les sœurs et le personnel prennent soin des enfants. La vie est rythmée par les messes du dimanche, et les visites occasionnelles d'une grosse voiture noire, qui vient de temps en temps apporter des parents potentiels, et repart avec l'une des petites orphelines, sous les chants d'adieu de ses camarades. Malgré la pesanteur qui règne sur le lieu, ce dernier retentit quand même parfois des rires des gamines. Aucun pathos ni exagération dans la description de ce décor gris et désolé.

Jin-hee ne comprend pas les raisons de sa présence ici. «Je ne suis pas orpheline», répète-elle. Persuadée que son père va revenir la chercher, elle cherche à s'enfuir, à entrer en contact avec lui, et refuse d'être adoptée. Elle devient amie avec Ye-sin, qui elle ne rêve que de partir aux Etats-Unis, et apprend même quelques mots d'anglais. Et puis, un jour, Ye-sin est adoptée par une famille américaine, et quitte l'orphelinat à son tour, emmenée par la voiture noire. Jin-hee se retrouve seule. Tente de s'enterrer. Ravale sa rage en frappant le linge. Obligée à faire le terrible et impossible deuil d'un père qu'elle sait toujours vivant, elle finira par partir elle aussi, pour la France.

Les couleurs du film sont froides : du gris du béton et du ciel jusqu'au brun pâle de la campagne coréenne en hiver, l'ambiance est glaciale. On entend très peu de musique, juste quelques lignes de piano, au début et à la fin. Une réalisation très sobre, en accord avec la délicatesse du sujet, et d'une histoire poignante au delà des mots. Il est difficile de contenir ses larmes en regardant le film. L'image finale, ce regard plein d'une détermination surhumaine, ce petit visage fermé d'enfant qui a fait preuve d'un courage extraordinaire, vous poursuivra encore longtemps.

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