jeudi 29 juillet 2010

cinema coreen : La petite fille de la terre noire

« La petite fille de la terre noire » est un film qui a plus d’un an dont vous pouvez même procurer en DVD en France, mais nous vous le présentons, cette semaine, à l’occasion de sa présentation lors du prochain Festival international du film Fajr qui s’ouvrira, le 1er février prochain, à Téhéran.

Il est réalisé par de Jeon Soo-il, un des enfants prodige du cinéma coréen. Originaire de Busan et y vivant aujourd’hui, il a étudié à Paris, et est probablement l’un des artistes qui ose le plus, artistiquement parlant, sur notre chère péninsule.

Le film est une production à faible budget, avec peu de personnages, mais d’une grande force. C’est un film à fond social, puisque tout se déroule dans une ville située au pied de mines en passe d’être fermées, et que c’est tourné dans une ville minière fantôme, effectivement désertée lors de la clôture de l’exploitation! On pourrait éventuellement critiquer une certaine langueur du rythme, mais elle fait partie de ce monde où le temps passe mais rien ne s’améliore... Les personnages, en particulier l’héroïne, la jeune actrice Yu Yun-mi, neuf ans, sont bouleversants de vérité, de force de caractère, et de résistance à la souffrance. A l’heure du film sans scénario, quel plaisir de voir une histoire humaine! Même si c’est loin d’être la plus joyeuse ou la plus pleine d’espoirs, ça rappelle la force qu’a le cinéma pour nous parachuter dans un monde qui n’est pas le notre.

L’histoire se déroule dans ce village minier où une famille désargentée, dont la mère a disparu, essaye de joindre les deux bouts. Le père est soudain en arrêt de travail, et la petite Young-lim, qui jusque là s’occupait de son grand frère attardé et de danser devant la télévision se retrouve avec de plus en plus de responsabilités. Son père est arrêté pour une maladie des poumons caractéristique des travailleurs des mines, mais ne peut être hospitalisé s’il n’a pas autre chose. Il se met à boire et les responsabilités de Young-lim montent. Son frère ne fait que des bêtises, mais ça s’aggrave, malgré l’aide des voisins. Et ils reçoivent une notification d’expulsion, qui fait qu’ils seront bientôt à la rue. Enfin, Young-lim, qui n’en peut plus de l’incapacité des hommes à réagir, prend les choses en main, à sa manière, bien particulière.

Le film est fascinant pour plusieurs raisons ; déjà c’est une co-production entre la France et la Corée, presque indépendante de ce côté-là, puisque Jeon Soo-il a créé il y a maintenant plus de dix ans sa société pour ne pas dépendre du monde coréen de la production. Ensuite, il utilise le ressort dramatique de beaucoup de films coréens : tout va mal, et puis ça empire, mais avec une fin surprenante de réactivité, mettant effectivement en valeur la rationalité implacable d’une petite fille rêveuse mais condamnée à un enfer quotidien dont personne ne la sortira, si elle-même ne le fait pas. Le jeu d’acteur de Yu Yun-mi est spectaculaire, et elle a reçu un prix au festival de Venise pour cela. Le film lui-même a d’ailleurs collectionné les prix, en Corée comme à l’étranger, mais il faut reconnaître qu’il est rare de voir de nos jours un film si construit, avec une entrée et une fin, une boucle, une tranche de vie qui fait que le spectateur, à l’instar des personnages en ressort transformé.

Quand au côté difficile du film, parce que c’est la seule chose qu’on ait pu lui reprocher, et bien la vie n’est pas facile. C’est vrai qu’il y a souvent une certaine complaisance dans les films coréens ou même dans la littérature coréenne à voir plus noir que noir, qui est difficile à tolérer dans toutes les formes artistiques, mais cela sert aussi à exorciser ces difficultés. Et le réalisateur Jeon Soo-il est connu pour être très artiste, et cherche à dresser des portraits de ce qui fait la nature humaine, chose rare de nos jours. Justement, « La petite fille de la terre noire » est une œuvre d’art. Un film qui, pour reprendre les Cahiers du Cinema, devrait être obligatoire...

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