Au delà de la frontière

Le nombre de nord-Coréens réfugiés en Corée du Sud est en augmentation constante : on en compte aujourd’hui environ 16 000, et la question de leur difficile intégration dans la société capitaliste et ultra-compétitive du Sud se pose chaque jour davantage.
Très peu de films sud-coréens se sont intéressés au sujet de ces réfugiés, à leurs drames personnels qui les ont conduit au Sud, et aux difficultés qu’ils rencontrent dans un pays qui se révèle ne pas être la terre promise tant attendue. On pourrait mentionner le dramatique « Crossing » sorti en 2008 ou encore « Over the border» du réalisateur An Pan-seok sorti en 2006... et que nous allons vous présenter aujourd’hui.
Le film raconte l’histoire de Kim Sun-ho, un jeune nord-Coréen ordinaire. Kim Sun-ho, interprété par Cha Seung-won, est un jeune communiste sans histoire, né à Pyongyang au sein d’une famille idéologiquement irréprochable. Brave type placide et empoté, il vit heureux dans la capitale nord-coréenne, et ne pense guère à autre chose qu’à son prochain rendez-vous avec la camarade Yeon-hwa , jeune fille à l’esprit vif et décidé, et interprétée par Cho Yi-jin. De petits dîners au restaurant de nouilles froides en promenades le long de la Potonggang, nos deux tourteraux filent le parfait amour, jusqu’au jour où la famille de Sun-ho découvre que le grand-père paternel, le héros du Parti que l’on croyait bravement mort au combat pendant la guerre, est en réalité bien vivant, et est devenu un prospère chef d’entreprise en Corée du Sud... Devenue subitement suspecte, terrifiée à l’idée que la police secrète ne découvre les échanges de lettres avec leur aieul établi en territoire ennemi, la famille entière de Sun-ho va se retrouver obligée de s’enfuir du Nord, et va devoir vivre le parcours chaotique classique des réfugiés nord-coréens : le départ dramatique dans les larmes, la dangereuse traversée de la rivière Tumen, la vie clandestine en Chine, le passage en force dans une ambassade étrangère, et finalement l’avion pour Séoul...
Hélas, la vie au Sud ne remplit pas ses promesses : le grand-père meurt juste avant leur arrivée, Sun-ho est au chômage, et sa fiancée Yeon-hwa lui manque amèrement. Il tente la faire venir à Séoul, et donne la somme qui est offerte par le gouvernement sud-coréen pour faciliter son intégration à un passeur ; mais celui-ci se révèle être un escroc, qui a trouvé chez les nord-Coréens prêt à tout pour réunir leurs proches des victimes faciles. Perdant tout espoir de la revoir, il se marie avec une sud-Coréenne, qui lui apporte enfin un peu de douceur et de stabilité dans sa vie. Pas pour longtemps hélas... Yeon-hwa, par amour pour Sun-ho, parvient à son tour à s’enfuir du Nord et à venir à Séoul, plongeant Sun-ho dans un dilemme terrible, et impossible à résoudre. Yeon-hwa, de son côté, après avoir tout abandonné pour lui, va devoir affronter seule la vie au Sud...
« Over the Border » ou « Au delà de la frontière » est un film intéressant à plus d’un titre. Les nombreuses scènes qui se déroulent à Pyongyang présentent l’intérêt considérable de montrer avec réalisme une vie quotidienne nord-coréenne tout à fait naturelle, et éloignée des clichés qu’on pourrait en avoir. Les Pyongyangois, c’est ainsi qu’on appelle ceux qui vivent à Pyongyang, se font des blagues, prennent le métro, et tombent amoureux, comme des habitants de n’importe quel autre pays. La reconstitution de la vie à Pyongyang est bien rendue et est crédible, et mélange images d’archives et images tournées en studio. La vie des réfugiés nord-coréens, perdus dans un Séoul qui brille de mille feux, est aussi reconstituée avec réalisme et précision, sans pathos inutile. L’histoire de Sun-ho et Yeon-hwa n’est pas exceptionnelle ; les difficultés décrites dans le film sont aujourd’hui partagées quotidiennement par des milliers d’autres réfugiés comme eux.
Le film est lent, minutieux, et prend le temps de s’attarder sur ses personnages, leurs difficultés, leurs dilemmes. L’histoire est suffisamment tragique, pour que le film n’ait pas besoin d’être larmoyant ni de verser dans le mélo pour être triste. Tourné parfois en caméra sur l’épaule et en DV, son esthétique rappelle parfois celle du reportage, et le film a une qualité presque documentaire. Long métrage unique par son sujet, il est réussi, et parvient à toucher durablement le spectateur, en lui laissant sur le cœur un poids qu’il ressentira pendant longtemps...






Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire